OLYMPUS DIGITAL CAMERA  Interview Stéphane Henrich

1/ Art de l’enfance, enfance de l’art

Quelle place le dessin a-t-il occupé dans votre enfance, comment s’est nourri votre imaginaire ? Comment cela se traduit-il dans l’adulte que vous êtes devenu ?

Une place importante. Le dessin s’est installé très tôt et naturellement. J’ai progressé très vite dans cette activité tandis que j’accumulais du retard dans d’autres. Je me souviens par exemple avoir gagné un vélo de course dans un concours de dessin régional alors que je savais à peine rouler sans petites roues. Aujourd’hui encore en tant qu’adulte, à l’aise dans le dessin, il m’arrive de me sentir « handicapé » dans un tas d’autres domaines. Quant à mon imaginaire, il s’explique en partie par le nombre de peintures contemporaines qui ont entouré mon enfance. Une présence très vivante, qui a sans doute contribué de façon déterminante à mon éveil et à mon intérêt pour la chose graphique…

Quel lien gardez-vous avec l’enfant que vous étiez ?

Beaucoup de tendresse pour le gamin de sept ans étourdi par les odeurs de marqueur et hyper enthousiaste devant sa feuille blanche. Et pour la naïveté et la force de tous les personnages qui sortaient de ces moments. Les quelques dessins de moi accrochés au murs de ma maison datent de cette période et je les regarde souvent. A travers eux, l’enfant que j’étais donne chaque jour, des leçons de sincérité et de liberté à l’adulte que je suis devenu. Je tente de m’en approcher, mais bien laborieusement…

Des personnages de fiction vous ont-il marqué ?

Ceux là, quand ils ont débarqués ils m’ont tout de suite fasciné. Tintin le premier, puis Astérix, Lucky Luke et d’autres… Je leur dois surtout d’avoir troqué la fraîcheur de mes dessins d’enfant pour des ambitions d’illustrateur beaucoup plus sérieuses. Ces dessins là ne seront jamais accrochés à mes murs. Forcément, quand le titre de ma première BD était: « Lucky Luke et les indiens » (à dix ans on est assez ignorant de la question des droits d’auteurs), on se doute de la qualité du chef d’oeuvre…

2/ Sur le travail d’illustrateur

Illustrateur autodidacte, vous êtes revenu à l’illustration assez tard, comment en êtes-vous venu à l’illustration de livres pour enfants, qu’est-ce que cela vous a apporté ?

Sans doute la faute de ce mauvais tournant, à force de vouloir trop ressembler à leurs auteurs j’ai fini écrasé par leur talent. A dix sept ans, j’ai fini par abandonner le dessin, persuadé de ne pas être à la hauteur. Je n’y suis véritablement revenu que vingt ans plus tard, presque par accident. L’illustration de livre pour enfant a été d’emblée un choix naturel parce qu’il me rapproche de ma créativité d’enfant (la feuille blanche et le marqueur…) et que je m’y retrouve comme nulle part ailleurs.

Comment votre relation avec Kaléidoscope a-t-elle commencée ?

Un projet envoyé par la poste il y a trois ans( « Moi Berlioz chien de la cloche »), et un retour favorable et inespéré de l’éditrice. Je réalise qu’à la question « comment êtes vous revenu l’illustration », j’aurais pu répondre tout simplement : Isabel Finkenstaedt. Car c’est à cette rencontre, aussi magique que déterminante, que je dois d’avoir renoué avec le plaisir du dessin. Isabel a rallumé la flamme. Depuis elle accompagne mon travail, avec un don extraordinaire pour faire sortir le meilleur, tout en laissant libre et sans jamais rien imposer. J’ai beaucoup de chance et je me sens infiniment bien chez Kaléidoscope.

Vous avez des univers graphiques très divers, comment passez-vous de l’un à l’autre, en avez-vous un que vous préférez aux autres ?

Le dessin libre et créatif, incontestablement. La contrainte me rend mauvais. S’il m’est arrivé en effet de m’exercer à des dessins plus techniques et plus réalistes, je l’ai fait dans le but de toucher un plus grand public et de

mieux gagner ma vie. Ni l’un, ni l’autre n’ont été un grand succès, pour mon plus grand bonheur finalement…

3/ En tant que parrain du Muz

Vous avez soutenu le Muz en lui offrant des œuvres pour sa vente aux enchères, qu’est-ce qui vous paraît important dans cette initiative ?

J’en reviens à la question de l’innocence. Nous vivons dans un monde ou les trésors de la petite enfance, de l’enfance semblent de plus en plus menacés. Ou leurs qualités considérables de fraîcheur et de créativité sont trop vite livrés aux « monstres » technologiques hyper puissants et affreusement difficile à gérer. Je veux dire que peut faire une page blanche, face aux Nintendo ou autres DS… Je suis convaincu qu’il faut faire acte de résistance et l’initiative du Muz en ce sens, est un projet magnifique, un « site aux trésor ». Je lui souhaite longue vie et je le défendrais autant que je pourrais.

Que diriez-vous aux enfants qui envoient leurs œuvres sur le Muz ?

J’aimerais leur dire que je les admire, et que nombre de peintres et d’illustrateurs se sont cassés les dents en essayant de les imiter. Mais finalement je crois qu’il vaut mieux me taire. Leurs dessins seront d’autant plus forts que les adultes ne s’en mêlent pas trop…

Le Procès, Stéphane Henrich,

dans Kaléidoscope d’histoires, Éditions Kaléidoscope, 25€

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