Texte de présentation des oeuvres de Lucile écrit par Eugénie Bourdeau – maman de Lucile

Nous vivons tous dans des réalités qui nous ressemblent.

Si certaines semblent plus éloignées les unes des autres, nous participons ensemble à raconter la même Histoire.

Et pourtant, sur une même scène lorsque la caméra filme un personnage en gros plan ou qu’elle est axée en plongée sur l’ensemble de la foule, ce qui nous est donné de voir est totalement différent.

C’est un peu ça la singularité : un regard différent posé sur un même monde.

Lucile a 10 ans, elle a tout d’une petite fille comme les autres, mais sa réalité à elle ne ressemble pas à celle annoncée dans le scénario.

Les portes de l’école lui sont restées fermées.

Alors Lucile compose, improvise, Lucile s’impose et surtout elle dessine.

Globe trotteuse de la pensée, elle construit chaque jour en images les carnets de ses voyages entre deux mondes, entre deux réalités.

Comme pour mieux nous comprendre, elle retransmet par le trait ce qu’elle peut observer de nous.

Elle se repasse ainsi le film de sa vie sous un angle de prise de vue qui paraît bien plus cohérent pour elle.

Par le langage de l’image, elle dialogue avec elle même pour apprendre à se repérer dans une foule de personnages qui ne lui ressemblent pas.

Le contact avec autrui est d’une nécessité vitale et ceci est scientifiquement prouvé.

Pour se faire, nous utilisons des moyens communs tels que la parole, les gestes, le regard et depuis la PNL nous percevons également que notre corps s’exprime d’avantage qu’il n’y paraît.

Les personnes qui semblent « enfermées dans leur monde » communiquent très certainement elles aussi sauf qu’elles utilisent d’autres moyens (la pensée, le ressenti, l’intuition…) que nos codes « normaux » ne nous autorisent pas d’entendre. C’est pourquoi nous restons très certainement sourd à grands nombres de personnes pourtant désireuses d’échanges humains.

Lucile est sociable et elle aime les gens, ses dessins en témoignent.

Par delà la parole, elle communique et par chance, le médiat qu’elle utilise nous est accessible. Même si elle ne donne pas (physiquement) ses dessins et qu’elle ne parvient pas à les traduire dans un parlé cohérent (pour nous), c’est dans une autre langue qu’elle amorce le contact.

Le message est reçu et lui permet de se sentir entendue, peut-être pas comprise, mais entendue.

« Les paroles s’en vont mais les écrits restent »

Moi, sa maman, je me suis mise à dessiner à Lucile ce qu’il me semblait difficile pour elle de comprendre oralement. Elle m’accorde alors toute son attention dès lors que le dessin est réalisé sous ses yeux. Le résultat est à chaque coup surprenant, sans avoir de réponse (perceptible) pour autant, Lucile intègre tout de suite mes propos comme une valeur sûre, un message clair et notre quotidien s’est beaucoup amélioré depuis que le dessin est devenu un moyen d’échange entre nous.

Ma fille a certainement beaucoup, beaucoup à me dire et j’avoue me sentir parfois submerger d’autant de confidences…

Elle utilise rarement la couleur, parfois des feutres mais jamais de crayon et le bic noir reste son outil préféré. Chaque semaine, Lucile consomme un à deux stylos et une ramette de 500 feuilles de papier A4. Elle dessine presque toujours allongée et peut exécuter ses personnages à l’envers comme à l’endroit sans que cela semble modifier quoique ce soit pour elle. Pendant qu’elle oeuvre, Lucile parle d’évènements fictionnels ou vécus en revivant les émotions que cela lui renvoi.

Elle dessine très vite, raconte parfois plusieurs histoires sur un même personnage en le modifiant au fil du trait, comme si elle découvrait le dessin en le réalisant.

Les feuilles volent, s’éparpillent autour d’elle, le trait est précis, vif, compulsif même.

Elle est dans le faire et une fois lâcher, Lucile n’a plus d’intérêt pour ce qu’elle vient d’expulser d’elle. Une seule envie la poursuit, en faire un autre, encore un autre.

A l’âge de quatre ans, Lucile endossait officiellement le rôle de l’autiste.

La même année naissaient ses personnages de papier…

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