Acrylique sur bois

« L’école du Poan Ben est implantée dans le centre historique de Morlaix. 11 classes, 260 élèves, une filière bilingue breton et une CLIS handicap mental. La mixité sociale est sa plus grande spécificité et ici le défi à relever pour les enseignants est de trouver des projets fédérateurs et porteurs de sens pour assurer la cohésion d’un public scolaire hétérogène.

Au départ, nous avons décidé d’engager trois classes aux caractéristiques différentes dans ce projet : la classe de CP (24 élèves de 6-7 ans), la classe de CP-CE1 de la filière breton (24 élèves de 6 à 8 ans), ainsi que la CLIS (7 élèves de 7 à 11 ans). Pour réunir ces 55 élèves, nous avons choisi de travailler sur l’emblème de notre ville : le viaduc. C’est un monument fort, visuel, graphique et comme tous les ponts il relie. Nos intentions étant de créer du lien et des passerelles entre les apprenants. Représenter le viaduc, ouvrage gigantesque, sur les murs de notre école nous est apparu comme une situation motivante et porteuse de sens. Nous avons fait appel à Ricardo Cavallo qui a peint le viaduc en produisant de très grands formats par juxtaposition de fragments. C’est l’essence même que nous souhaitions donner à notre fresque : des unités formant un tout, des élèves composant un groupe qui pourrait devenir une force de création. »

L’activité au sein de l’école a démarré en Décembre. Les peintres de Bleimor (Ricardo, Gildas, Marie-France, Raphaël et plus tard Hélène) sont venus chaque lundi matin durant 7 mois. D’abord il s’agissait de faire connaissance avec le matériel et les autres (enfants, adultes) par des activités décrochées telles que peindre des animaux ou peindre le copain sur chevalets, activités organisées en décloisonnement (toutes classes confondues). Une grande confiance s’est instaurée grâce aux encouragements constants des peintres. Les élèves étaient rassurés, aucune angoisse de mal faire n’a persisté car les regards posés sur leurs productions étaient bienveillants. Puis nous avons introduit l’objet du projet dans les séances plastiques. Le viaduc a été étudié en classe et rapporté durant les séances de peinture. Sa maquette a servi à le représenter et les élèves sont sortis dans la ville pour le dessiner sous différents points de vue.

Rapidement le rendez-vous du lundi matin est devenue source d’attentes et de joie. Commencer la semaine par le cours de peinture avec Bleimor motivait les enfants pour le reste des apprentissages. Le sens de l’observation s’est développé et la qualité du dessin s’est rapidement améliorée. Puis, après quelques mois, nous avons quitté le mode « seul face au chevalet » pour investir chacun dans l’œuvre collective. Il a fallu s’organiser pour que tous mettent leur pierre au viaduc, et ce chaque semaine. Ricardo a réalisé l’esquisse du paysage depuis un panorama de la ville puis l’a reproduite sur une douzaine de mètres de panneaux de bois. Lier l’imaginaire de chacun, l’imaginaire collectif et le réel : la mission était colossale mais les élèves des autres classes sont spontanément venus en renfort. En passant près de la salle d’arts plastiques durant les récréations, les plus curieux des élèves des grandes classes ont osé s’aventurer et ont été encouragés eux-aussi à contribuer à la réalisation de la fresque. Ainsi une quinzaine d’élèves de CE2 et de CM1 de trois classes différentes (élèves de 8, 9, 10 ans) ont rejoint le projet, par grappes, par demi-heure, au gré de leurs possibilités et de leur temps libre. Tous, petits et grands, ont composé avec les contraintes du sujet et du support mais une grande liberté leur a été concédée car nous avions tous confiance en eux et en Bleimor.

 Alors il y a cette fresque é-blou-is-sante mais pas que… Beaucoup de plaisir de toutes parts, de l’émulation, des rencontres surprenantes au sein de l’école ont contribué à favoriser un certain bien-être chez les élèves. Le climat général a été étonnamment serein durant cette année scolaire, les récréations calmes, les conflits rares.

Ce projet a permis de mettre en valeur certains élèves en difficulté dans les disciplines classiques qui se sont révélés talentueux en peinture, nous pensons surtout aux élèves de CLIS en situation de handicap. Les échos dans les familles ont été tellement positifs que certains enfants ou parents d’élèves ou enseignants se sont mis à fréquenter les cours de peinture de Bleimor en marge du projet au Poan Ben. Mais également, des « grandes » se sont inscrites à l’activité peinture nouvellement proposée à la MJC de Morlaix pour continuer à peindre avec Bleimor. Le travail avec Bleimor aura donc initié un élan vers la peinture hors des murs de l’école. »

La directrice de l’école du Poan Ben

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