Sara, ou les images racontent
Institution: Ville d'Epinay-sur-Seine
Texte de présentation
Le 20 octobre 2011 à Epinay-sur-Seine, les CM2 de l’école Anatole France, ont rencontré l’illustratrice SARA qui les a initiés à l’art du papier déchiré, sa technique de prédilection. Après leur avoir fait une démonstration, elle a invité les enfants à s’approprier cette technique pour créer leurs propres oeuvres.
Cet atelier artistique s’est inscrit dans un projet plus vaste, Tyne2Seine, dont l’objectif principal était de faire dialoguer des enfants français et anglais autour de la littérature jeunesse pour leur donner le goût de lire et de découvrir une langue étrangère. Les livres sont devenus de véritables ponts culturels. Des ateliers artistiques ont été organisés des deux côtés de la Manche avec des artistes français et anglais pour montrer aux enfants le processus de création et le travail qui se cachent derrière un livre.
Cet atelier retrace une recontre particulière et une après-midi de création.
Pour découvrir l’univers de Sara, vous pouvez
Etapes
1 Pourquoi faire des albums?
L’atelier s’est ouvert par un échange entre les enfants et l’illustratrice qui leur a révélé pourquoi elle s’était mise à la création d’albums. « J’ai commencé à faire des albums pour moi, pour me prouver que l’image suffisait, « Les images, ça raconte ». L’image parle à nos sentiments, nos sensations. Il n’y a plus une voix pour nous dire ce qu’il faut en penser, les sentiments deviennent paroles qui expriment des sentiments. »
2 Comment j'ai commencé à créer des images en papier déchiré
« Avant », leur explique SARA, « je faisais de la peinture. Et un jour je n’avais plus de peinture, je n’avais que du papier. Je l’ai déchiré, posé sur un fond et je me suis aperçue que je pouvais bouger les morceaux de papier. » « Mon premier livre raconte l’histoire d’un homme dans la ville la nuit. il rencontre un chat. Je me suis souvenue que je racontais quelque chose que j’avais vécu : une rencontre avec un clochard qui avait un très beau chat blanc qu’il adorait et le chat l’adorait aussi. » « Et nous, avons-nous quelqu’un qui nous aime comme ça ? Non ».
4 Choisir ses couleurs
Il faut accorder beaucoup d’importance aux couleurs. On ne choisit que deux ou trois couleurs mais chaque couleur doit avoir un sens car les couleurs vont raconter, dire quelque chose. Il faut donc choisir les couleurs avec le plus grand soin. Vous allez choisir vos couleurs et voir qu’elles racontent déjà quelque chose. Par exemple, si je veux faire une image qui se passe la nuit, je prends le noir et tout de suite on comprend que c’est la nuit. Si je prends du jaune, ça représente le jour. Si je prends du gris, la pluie… Si vous prenez le noir, c’est comme si vous commenciez l’histoire par « il était une fois la nuit », mais vous n’avez pas besoin de le dire. Vous allez être très silencieux car quand on ne parle pas, les sentiments et les émotions montent à la place des mots.
5 Déchirer du papier dans les règles de l'art
Première étape: On dessine très légèrement une forme simple
Deuxième étape: On pose une règle à l’intérieur du trait
Troisième étape: On maintient la feuille avec la main qui n’écrit pas
Quatrième étape: On tire le papier vers soi avec l’autre main
Cinquième étape: On met un filet de colle
Sixième étape: On place l’élément sur un fond
6 A vous de jouer! (Travail sur le bateau)
Vous avez trois feuilles, une règle, un crayon, de la colle. il y a quelques consignes à respecter: 1- Il faut prendre le temps de choisir ses couleurs car ensuite on n’a plus le droit de changer. Que veux-tu comme couleurs pour le fond ? la vague ? le bateau ? 2- Les différents éléments de l’histoire doivent garder la même forme et la même couleur. 3- On part tous de la même image de départ et ensuite il faut faire appel à son imagination, travailler les images dans sa tête. Car dans le mot « image » se cache le mot « magie ». Avec les images, on peut faire de la magie. 4- il faut travailler debout. Vous allez fermer les yeux et vos yeux intérieurs vont voir le bateau avancer, le bateau va vous raconter l’histoire.
Il faut construire un récit Un récit c’est toujours : un début, un milieu avec un événement (il va se passer quelque chose pour le bateau), une fin qui dit comment cela se termine. Il faut donc construire un récit avec trois images minimum. Plus il y a de contraintes, plus il y a besoin d’imagination pour s’en sortir. 1ère étape (la même pour tous): on met une vague et un bateau sur un point. 2ème étape : on met ses doigts sur le point de concentration On ferme les yeux et on voit ce qui arrive au bateau : où va-t-il ? que fait-il ? à quel moment? et où? et qu’est-ce qu’il se passe ? Faire la page 2 et ainsi de suite…
8 Entretien avec SARA, militante de l'image
Cet entretien a été réalisé le 18 avril 2012 dans le cadre du projet Tyne2Seine
A quoi servent les ateliers ?
Sara: Pour moi, les rencontres avec les adultes, les relations entre adultes sont les plus importantes car c’est eux qui sont engagés, ils deviennent prescripteurs, médiateurs du plaisir de lire et de la littérature de qualité et changent leur pratiques professionnelles ou familiales pour faire une place essentielle aux rencontres avec les livres.
Mon rêve serait de donner aux parents et aux enseignants une véritable culture du livre. Le livre pour créer un imaginaire, pour comprendre le monde, une culture qui va aider l’enfant à se construire dans la vie. Il ya une méconnaissance trop importante du rôle du livre et de la littérature de jeunesse, il faut former les parents et les enseignants.
Proposer des ateliers pour les adultes qui durent quatre jours, en lien avec les bibliothécaires, dans lesquels je peux expliquer mon travail et ensuite leur proposer de créer des images et des histoires c ‘est passionnant. On évolue ensemble et parfois on se revoit au fil des années. Ils comprennent alors qu’il faut avoir quelque chose à dire qui passera par les images, et l’émotion créée par l’image, et non par des idées. On ne construit pas une histoire uniquement avec des idées.
Les ateliers : deux raisons d’y participer :
1 – Le militantisme pour l’image.
Il s’agit de convaincre de ce à quoi je tiens : l’image n’est pas une distraction, c’est un langage qui passe par l’émotion, et pas une joliette superflue et anecdotique. Apprendre à regarder, comprendre une image, c’est une garantie de ne pas être manipulé car l’image peut être manipulatrice si on n’en pense rien. Les ateliers sont avant tout une rencontre avec des adultes qui ont valeur de formation et de découverte de possibilités d’expression autrement qu’avec des mots.
Malheureusement, le temps manque souvent pour aller assez loin dans la démarche. Je préfère les ateliers qui se poursuivent sur un temps plus long et permettent aux enfants et aux adultes d’explorer le langage de l’image et de découvrir en eux des possibilités d’expression par l’image et de se recentrer sur son intimité. Dans ces ateliers longs on avance ensemble, on évolue ensemble, une pratique peut s’installer.
Le travail avec Caroline Heudiard et Philippe Dupré a eu plus d’impact que les autres ateliers du projet car nous avons pu explorer ensemble le travail d’élaboration de l’image au service d’une idée ou d’une émotion. Il faut avoir quelque chose à dire pour que l’image soit forte et ait du sens, on ne construit pas une histoire seulement avec des idées. Il faut être dans son émotion pour la traduire en image.
2- Transmettre
« Transmettre à quelques enfants que l’image est une corde tendue pour avancer dans sa vie comme elle l’a été pour moi dans mon enfance. Lorsque j’étais enfant ma mère, qui aimait beaucoup les images, m’a inscrite dans un atelier à Rouen où le professeur était merveilleux et était nain. Dans cet atelier, il n’y avait que deux petites personnes : lui et moi ! Cela a crée une confiance et une symbiose, une liberté de l’égalité qui a été déterminante pour moi. »
Ces quelques enfants vont sentir que l’on parle le même langage, ils devinent qu’il y a une lecture par les yeux qu’ils comprennent de manière intuitive, ils ont la compréhension de la faille dans l’image qui touche. Ces enfants vont pouvoir s’appuyer sur cette rencontre, ce moment fort pour poursuivre leur exploration de l’image. Pour certains la mise à jour de leur créativité va changer le regard des professeurs sur eux.